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Avez-vous déjà pensé à revendre votre site ? La plupart des éditeurs de contenu font beaucoup d’efforts pour maximiser le potentiel de monétisation et de trafic de leur business en ligne, sans vraiment prendre au sérieux l’opportunité d’une revente.
Kevin Jourdan, de Dotmarket, m’a contacté à la suite de la publication de l’article sur les différentes façons de monétiser un média en ligne, car il a fait de l’achat / vente sa spécialité. Comme il s’agit d’un sujet assez complexe, il a accepté de répondre à quelques questions pour donner son avis et partager des conseils aux éditeurs de contenu qui pourraient éventuellement être amenés à revendre leur activité.
Peux-tu présenter ton activité ?
DotMarket est une plateforme d’accompagnement d’acheteurs et de vendeurs de business digitaux. Quand on parle d’actif digital, on pense forcément d’abord aux sites internet (sites de niche, média, dropshipping, e-commerce…) mais cela inclut également les SaaS, les newsletters, les applications mobiles, etc…
Nous intervenons en tant que tiers de confiance. Comme un agent immobilier le ferait, mais pour des sites internet ! Cela implique un rôle d’auditeur (technique, financier, juridique…), un rôle de commercial (pour créer les dossiers de vente, les valoriser, les promouvoir, les négocier) et un rôle de facilitateur (avec la mise à disposition de contrats de cession pré-rédigés, la mise en place du séquestre financier, la migration des actifs après la vente, etc).
Pourquoi as-tu décidé de te lancer dans cette activité ?
DotMarket c’est finalement pour moi l’accomplissement de nombreuses années à évoluer dans ce domaine et la suite « logique » après avoir été éditeur de site (je le suis toujours cela dit, mais plus de la même façon), formateur, prestataire, consultant, etc…
J’ai créé mes premiers sites en 2012, j’étais alors salarié d’une société aux Philippines, spécialisée dans la création de programmes minceur en ligne. Je travaillais en tant que responsable affiliation, puis responsable acquisition. C’est en observant ce que les affiliés avec qui je bossais pouvaient générer comme CA que j’ai eu l’envie de créer mes propres sites. J’ai démarré en side project, puis c’est devenu mon activité à temps plein dès 2014. En 2017, après avoir acheté mes premiers sites, et face à la demande de certains partenaires en quête de sites établis à racheter (au lieu de sites clés en main que je vendais à cette époque), j’ai contacté Empire Flippers pour leur proposer de lancer une franchise Française de leur plateforme.
Ils ont refusé et m’ont souhaité bonne chance. J’ai commencé à sérieusement réfléchir à créer ma propre plateforme ! Il m’a fallu un bon moment pour y parvenir, avec notamment la rencontre de Mayane, mon associée, qui a apporté toute son expérience technique et son expertise de création de process pour finalement lancer une version bêta fin 2019. Le site officiel est en ligne depuis début 2020.
Peux-tu nous en dire plus sur le marché actuel de l’achat / vente de sites internet ?
Le marché n’est pas tout neuf. Certaines marketplace proposent ce type de prestations en France depuis plus de 10 ou 15 ans ! Mais pour autant, c’est un marché qui reste très jeune, avec beaucoup de travail d’éducation à faire, surtout auprès des vendeurs.
Il évolue beaucoup ces derniers mois, principalement car ce type d’investissement explose aux Etats-Unis (et sur le marché anglophone en général). En 1 an, je pense que pas moins de 5 nouvelles plateformes se sont lancées sur le marché anglophone pour concurrencer Empire Flippers ou FE International qui sont là depuis des années. En France, c’est encore très en retard. Les acteurs « publics » en place depuis longtemps ont tous le même modèle : une sorte de Leboncoin du site internet.
Chacun est libre de poster ce qu’il veut, et c’est aux acheteurs de faire leur due diligence. Sur DotMarket, nous avons choisi de contrôler 100% des transactions. En filtrant amplement en amont les dossiers soumis, pour ne mettre en vente que les sites qui passent notre « contrôle technique ». On refuse plus de 50% des dossiers, c’est ce qui nous permet aujourd’hui d’être perçu comme crédible et qualitatif par nos partenaires acheteurs.
Tu as aujourd’hui plus d’acheteurs que de vendeurs, comment l’expliques-tu ?
Aujourd’hui, il est clairement plus facile pour nous de signer de nouveaux acheteurs que de nouveaux vendeurs. C’est lié au fait que les investisseurs en place (et ils sont assez nombreux) sont avertis sur le sujet. Les agences média, les gros éditeurs ou les entrepreneurs avec qui nous travaillons investissent déjà dans le rachat de business, et le faisaient bien avant que nous lancions DotMarket. Ce que nous apportons, c’est une source fiable de nouveaux business à acheter, avec un travail de filtrage qui permet de gagner du temps.
Côté vendeurs par contre, même s’il y a des milliers d’éditeurs et éditrices de sites en France, assez peu finalement sont vraiment conscients de l’existence d’un marché de la revente possible de leurs actifs. C’est donc un travail quotidien que de contacter et d’éduquer cette audience.
Et une fois ce travail est fait, il reste à auditer les sites, les valoriser, trouver un accord sur le prix de vente… Un vrai métier à temps plein !
Peux-tu nous décrire le(s) profil(s) type d’acheteurs / vendeurs ?
On a identifié 4 profils d’acheteur et 6 profils de vendeurs à ce jour.
Côté acheteurs
- L’investisseur débutant, qui cherche un side project dans lequel investir, entre 0 et 20’000€ en général maximum, histoire de se lancer sur le web.
- L’éditeur de site déjà installé, dont le budget peut aller de quelques milliers à quelques dizaines de milliers d’euros et qui achète pour développer son portefeuille.
- L’agence média, de la plus petite à la plus grosse, avec des budgets autour de quelques dizaines à quelques centaines de milliers d’euros, voire dépassant le million pour les plus grosses agences.
- L’entrepreneur qui achète avec vision de croissance externe pour son business actuel ou qui achète pour reprendre un business suite à la vente ou l’arrêt de sa précédente activité. Ou bien pour se lancer.
Côté vendeurs
Pourquoi vendre un business qui tourne, c’est la question qu’on nous pose le plus ! Voici les raisons valables (non exhaustives).
- Le vendeur qui a fait le tour de son projet et qui souhaite passer à autre chose.
- Le vendeur qui veut encaisser un joli chèque pour réinvestir (dans un autre projet web, dans une maison…)
- Le vendeur qui reconnait qu’il a atteint le max de ce qu’il peut obtenir de son business et décide de revendre au pic.
- Le vendeur dont le site commence à décliner et qui sent qu’il ne pourra pas, ne saura pas, ou n’aura pas la motivation de retourner la situation.
- Le vendeur qui ne savait pas qu’il pouvait vendre et s’en tirer avec un joli chèque, effet surprise et envie d’encaisser rapidement une jolie somme.
- Et forcément le vendeur qui a monté un site juste pour le revendre. Ici, c’est quitte ou double, mais avec beaucoup de déchets car la volonté de revendre « vite » peut pousser certains éditeurs à « forcer » les choses et diminuer la pérennité du site…
Quelles sont les choses les plus importantes à considérer pour une potentielle revente ?
Une vente se prépare. Il est possible d’optimiser de nombreuses choses en amont d’une revente (design du site, marge, aspects techniques…). Le plus important, pour faciliter une vente, c’est de bien préparer son dossier.
Nous accompagnons les vendeurs sur cette étape. Mais rien ne remplace une organisation rigoureuse et un suivi propre de ses performances au fil des mois et années. Surtout sur un site e-commerce ou un SaaS ou les dépenses sont en général plus importantes et variées que sur un site de contenu. Plus le suivi et l’analyse des « chiffres » sera simple et claire, plus l’acheteur aura confiance dans le dossier.
Il n’y a rien de plus compliqué qu’un vendeur n’ayant pas une réelle connaissance de ses frais publicitaires, n’ayant pas conservé ses factures d’achat de produits, liens ou services, ne faisant pas forcément attention à son taux de retour, voire même à sa marge nette… Beaucoup de dossiers sont refusés par manque de clarté des données, et une incapacité, à court terme, d’auditer précisément un site pour lui attribuer une valeur. Et sans audit complet, un site ne sera pas vendu sur DotMarket. C’est donc important dès le début de penser à la revente (suivi de ses dépenses, revenus, etc…) pour que le moment venu tout soit à disposition pour réaliser une due diligence claire et complète.
Quels sont les critères les plus importants pour tes acheteurs ?
On a beau avoir plus de 80 points de contrôle en interne, au final ce sont toujours les mêmes que regardent les acheteurs.
- Le trafic (le volume, la tendance et la provenance)
- Les revenus (le volume, la tendance et la provenance)
- La marge (bien différente du revenu parfois…)
- Le temps de travail à consacrer pour maintenir et faire croître le business
L’élément le plus sous-estimé à mon sens est la capacité concrète d’un acheteur à maintenir et développer un business… On a tendance à vouloir acheter juste parce que les chiffres sont reluisants, mais si on n’a pas le temps, les compétences ou l’énergie pour continuer le travail sur un site, pour ma part, je considère que c’est un investissement qui ne devrait pas forcément être fait…
Quelles sont les choses qui rassurent et plaisent aux acheteurs ?
La transparence ! Tout élément « non dit » en amont et découvert lors du processus d’analyse d’un acheteur peut-être un frein à l’achat. Personne n’aime les mauvaises surprises, mais de manière générale, personne n’aime les « surprises » au moment de ce type d’investissement. La clé, pour nous, et pour un vendeur, est donc de ne rien laisser au hasard pour éviter les surprises, bonnes ou mauvaises, lors des échanges avec un acheteur.
Bien sûr, au-delà de la transparence, les acheteurs aiment découvrir des données positives, comme évoquées dans la question précédente, mais au global, la confiance se base sur la transparence. Les partenaires de DotMarket viennent et reviennent car ils savent que nous ne laissons rien au hasard, nous ne « cachons » rien. Et c’est la clé. La transparence amène la confiance. Et la confiance amène le business, long terme.
Quelles sont les choses qui peuvent au contraire « refroidir » les acheteurs ?
Les surprises. Sans vouloir me répéter, toute surprise peut être négative car elle peut impacter le degré de confiance d’un acheteur dans le travail d’analyse fait par mes équipes.
Existe-t-il un « bon moment » pour revendre un site ?
Psychologiquement, c’est celui où un acheteur sent que c’est le bon moment de passer à autre chose ! Plus concrètement et de manière stratégique, le meilleur moment est selon moi dans une phase de stagnation. Vendre en pleine croissance est forcément intéressant aux yeux de l’acheteur, mais pour le vendeur, cela signifie que le « pic » de valorisation (calculé sur 6 à 12 mois d’ancienneté) n’est pas encore atteint.
Un site dont les revenus stagnent depuis plusieurs mois est donc en quelque sorte arrivé à maturité (vis à vis de son marché ou vis à vis de l’effort consenti par son éditeur). Et c’est donc à ce moment qu’il a la valeur marchande la plus élevée. Dès qu’il commence à baisser en trafic et revenus, sa valeur fera la même chose…
Quels sont tes conseils pour un éditeur qui n’a pas encore considéré la revente de son site ?
Ils pourraient être nombreux, mais le principal est de se poser la question de l’évolution possible, en toute transparence, de son site. Suis-je capable (énergie, patience, finance, compétence…) de maintenir mon site en l’état, ou de le faire grossir, sur les 24 prochains mois ? Si la réponse est oui, autant garder le site. Si la réponse est non, alors se pose la question de l’intérêt d’encaisser aujourd’hui 24 mois (ou plus) de profit net et de passer à autre chose.
Existe-t-il des thématiques qui ont la cote ?
Bien sûr ! On a récemment fait une liste du TOP 10 des thématiques les plus demandées par nos acheteurs lors de l’inscription sur notre profil investisseur.
- Voyage
- Sport
- Finance
- Tourisme
- Mode / Accessoires
- Tech
- Education
- Bricolage
- Santé
- Beauté
Au-delà des thématiques, il y a surtout des modèles économiques qui ont la cote. Les sites de contenu principalement SEO, monétisés en affiliation et publicité ont tendance à bien mieux se vendre et surtout plus rapidement que d’autres.
As-tu des conseils concrets & applicables pour attirer des acheteurs et maximiser la revente d’un site ?
Pour ne pas être redondant avec mon conseil de suivi et d’archivage de toutes ses dépenses et de suivi précis de ses revenus, on peut « préparer » un site à la revente en corrigeant des aspects techniques pour faire gagner du temps au futur acheteur, mais surtout en travaillant, plusieurs mois à l’avance sur l’optimisation du ratio marge nette / temps passé.
Il vaut mieux réduire le nombre d’heures passées sur un site, quitte à réduire un peu la marge nette, que d’essayer de vendre un site avec une forte marge mais nécessitant 30+ heures de boulot par semaine. Le côté « résiduel », pour ne pas dire « passif » d’un site est un vrai atout aux yeux d’un acheteur.
Quelles sont les choses « à savoir » avant de mettre son site en vente ?
L’élément clé est de savoir combien peut valoir le site ! Beaucoup de vendeurs n’ont aucune idée de la valeur potentielle réelle de leur business et finissent par vendre au rabais. Nous avons développé un outil d’estimation pour aider les vendeurs à se faire une idée précise avant même de nous contacter. Et je pense que c’est la base. Une fois qu’on a un prix en tête, on peut décemment prendre la décision de poursuivre ou non, et on pourra plus facilement négocier avec les futurs acheteurs.
Comment se passe l’évaluation d’un site à vendre, quels sont les critères utilisés ?
Nous analysons plus de 80 points lors d’un audit complet. Il y en a environ 15 dans l’outil d’estimation « public », ce qui permet d’avoir une première fourchette de prix. Lors de l’audit complet, nous allons simplement beaucoup plus loin dans l’analyse des éléments. On analyse le profil des liens, le ratio de revenus par page pour identifier une potentielle dépendance à 1 ou 2 mots clés / pages, le degré de dépendance à un partenaire financier, le contrôle des contrats en place s’il y en a avec des partenaires, etc…
Chaque critère engendre un point bonus ou un point malus, et le prix final est déterminé en appliquant un multiple sur le profit net mensuel initial. Ce multiple est le fruit du cumul des bonus et malus comptabilisés.
Quelles sont les étapes d’une revente ?
La première étape consiste à fournir au vendeur une fourchette de prix potentielle. C’est le rôle de l’outil d’estimation ou du pré-audit que nous réalisons alors manuellement. Si la fourchette est validée par le vendeur, nous signons des documents pour contractualiser la collaboration, puis nous attaquons l’audit complet qui permet de 1) déterminer un prix plus précis et 2) valider si oui ou non le site est susceptible d’être vendu sur DotMarket.
Ensuite, on passe aux étapes de création du dossier de vente, la mise en avant auprès de notre réseau d’acheteurs, le filtrage des acheteurs (via NDA et preuve de solvabilité), la négociation (que nous pouvons réaliser au nom du vendeur).
Une fois qu’une vente est prête pour confirmation, nous nous occupons de la mise à disposition des contrats de cession type rédigés par nos juristes, de la partie séquestre financier et de la migration complète des actifs liés à la vente. Selon les cas, nous assurons également un suivi sur la prise en main du site, mais très souvent c’est le vendeur qui s’en occupe. Cela fait partie des « conditions » de vente que nous demandons en amont.
Quel est l’avenir de l’achat / revente de sites ?
C’est un marché qui ne peut que continuer à se développer. Face aux ROI fournis par la plupart des modèles d’investissement « classique », l’investissement dans un actif digital est improbable. Quel investissement permet d’obtenir dès la première année 20% ou plus de retour sur investissement, et possiblement 40 à 50% dès la seconde année ? Quel investissement continue de produire 12% de ROI annuel même en perdant 75% de ses performances (cas ultime de crash d’un site, qu’on a forcément voulu analyser dans notre stratégie de communication).
Aucun, sauf en cas d’investissement très volatile / risqué sur les cryptomonnaies ou dans une startup. Reste à éduquer le grand public à ce type d’investissement qui requiert tout de même des compétences plus poussées que l’achat d’un appartement ou l’achat d’actions, c’est certain. Nous y réfléchissons pour l’avenir…
As-tu des exemples de success stories à partager ?
Les meilleures success stories sont encore à venir. Nous sommes trop jeunes pour que je puisse te raconter des histoires de sites achetés il y a 2 ou 3 ans et revendus 4 fois leur prix d’achat aujourd’hui. Mais j’espère en avoir beaucoup à raconter dans les années qui viennent !
À ce stade, je me contente d’être satisfait de savoir que la vaste majorité des sites vendus ont maintenu ou gagné en trafic et en revenus. On n’obtiendra jamais 100% de succès, mais tout le travail de filtrage en amont des vendeurs et également des acheteurs (en trouvant le bon acheteur pour chaque site) doit nous permettre de réduire au maximum les histoires moins positives.
Quel est l’avenir de Dotmarket ?
Pour 2020 et 2021, l’objectif est de poursuivre notre croissance en France et de devenir la plateforme leader, pas uniquement sur le volume mais surtout sur la notion de crédibilité et d’autorité.
Dès 2021, nous étudierons la possibilité de lancer 1 ou 2 marchés supplémentaires en Europe. Sous 3 à 5 ans, nous visons une place parmi les leaders en Europe sur ce marché. Cela impliquera de réussir à dupliquer le modèle Français, et pour y parvenir, il faut déjà avoir une base ultra solide en France. Donc, step by step… !